Glandouille






































Et oui vous l'aurez sans doute compris, la Cinémathèque vient de rouvrir avec son cortège de bonnes surprises. J'y suis allé voir La croisée des destins hier, qui se nomme en anglais Bhowani Junction, encore un de ces bonheurs de la traduction française des années après-guerre, la seconde bien sur.

Peu de choses à dire, un film excellent sur le fond faute de forme, avec malheureusement un deus ex machina qui résoud les choses un peu trop facilement, alors que la tension palpable de la guerre d'indépendance en Inde (le film se passe au Pakistan en 1947) et de la crise d'identité des chee-chee (métis entre indiens et anglais, rejetés des deux camps) pouvait donner naissance à une histoire magnifique.

A part cette déception amère de fin de film, la projection est exceptionnelle. Pourquoi ? Parce que Cukor, réalisateur dont on a retenu surtout les comédies douces-améres sur le couple amoureux, a tourné des plans en dehors des studios, et ce à l'âge d'or des décors en carton-pâte. Dès le premier plan, la tonalité est donnée, avec un générique qui s'affiche sur des scènes de la vie quotidienne dans une ville grouillante d'Indiens habillés à la mode pakistanaise.

Mélangeant avec brio la grande et la petite Histoire, le film trace une leçon forte sur la conquêt de son identité contre les autres. Les métis, qui n'appartiennnent plus au sang de l'une ou l'autre communauté, sont les seuls à pouvoir, comme le fait avec brio l'admirable Ava Garner, prendre conscience dans les soubresauts indépendantistes, communistes et racistes, que l'identité ne dépend pas d'une race mais de son existence.

Alors bien sur les maladresses hollywoodiennes sont de mise : ava garner est plus blanche qu'un petit suisse tout en étant métisse, les soldats indiens du 13 régiment sont des abrutis dévoués à leur chef, le flegme anglais brille de son absence, les gentils savent déjà que le retrait de l'Inde est la meilleure chose. Mais bon... formidable chronique presque tournée en direct, c'est la passion de la terre qui fait l'être : si ce message est réactionnaire, c'est le seul qui sauve la métisse de la schizonphrénie, c'est le même qui sauve Vivien Leigh pensant à Tara dans Autant en emporte le vent.

Au dela des appartenances et des classes sociales, l'appartenance se décline par le lieu, le territoire. Les questions de Cukor sont celles d'une conscience morale ; son film est d'une esthétique étrange, en avance sur son temps, et offre une leçon d'histoire et de d'éthique au milieu des saris et des chamins de fer de Bhowani Junction.

Jeu 24 aoû 2006 Aucun commentaire